Lèspri Ka : New Directions in Gwoka Music from Guadeloupe 1981-2010
Time Capsule / Séance Centre — 28/01/2022
Les labels Time Capsule et Séance Centre s’intéressent à l’âme sonore de la Guadeloupe en condensant 30 ans de musique gwoka en 10 titres finement sélectionnés par Brandon Hocura et Cédric Lassonde aka Cédric Woo, auteur d’un récent PAM Club de connaisseur. La compilation, à laquelle PAM a consacré un article, ne centre pas seulement son histoire sur ce gros tambour appelé gwoka, instrument symbolique de la résistance face à l’esclavage, mais elle raconte surtout la manière dont les musiciens ont innové autour de ce genre ancestral. D’abord faits de chants et de percussions, cette musique ancrée dans les pratiques musicales, rituelles et sociales des esclaves africains et de leurs descendants a muté pour accueillir des atmosphères jazzy, funky et même électroniques. Ces morceaux sont donc liés entre eux par l’envie d’expérimenter ; les chanteurs et chanteuses y véhiculent de puissants messages d’indépendance sur des arrangements psychédéliques et dansants rarement entendus en dehors de l’île. Des artistes pionniers comme Gaoulé Mizik, Gui Konket ou Kalindi Ka conjuguent culture créole et innovation dans ce double LP indispensable, enjolivé par un essai de la vocaliste et compositrice Marie-Line Dahomay, pour qui le gwoka est plus qu’un style de musique, mais aussi une « façon de vivre et de penser ».
Disponible ici.
Hermeto Pascoal e Grupo
Planetário da Gávea
Far Out Recordings — 04/02/2022
En cette belle nuit de février 1981, la foule se massait devant le planétarium de Rio de Janeiro, s’apprêtant à vivre un concert mémorable. Sur scène, le « sorcier » Hermeto Pascoal apparaissait pour la première fois avec son nouveau groupe, une configuration qui restera solidement en place pendant 11 ans. Cet ensemble de musiciens sobrement appelé « O Grupo » se pliait ce soir-là à la vision musicale presque métaphysique d’Hermeto pour livrer au public une expérience sonore faite d’improvisations inopinées, jeux de bouche absurdes ou jams psychédéliques, la plupart des compositions étant à l’époque inédites voire uniques, puisqu’on les trouve exclusivement dans cet album. Quatre décennies plus tard, Far Out Recordings exhume cet évènement porté par un compositeur à la sensibilité guidée par les lois de la nature et de l’univers. Un homme doté d’un sens unique de la mélodie, considéré par Miles Davis comme « l’un des musiciens les plus importants que la planète ait jamais porté ». Retrouvez ici la chronique que PAM avait consacré à cet incroyable live.
Disponible ici.
Marcos
Saudade
Groovie records / Comets Coming — 15/02/2022
Longtemps, le “monopole” des rééditions funaná appartenait à Ostinato Records ou Analog Africa, qui compilait cette musique frénétique du Cap Vert sur des recueils indispensables comme Synthesize the Soul ou Space Echo. Depuis, une poignée d’albums des incontournables Pedrinho, Américo Brito ou plus récemment Tchiss Lopes ont été réédités par des équipes de connaisseurs, sur des petits labels à suivre tels que Mar & Sol ou Arabusta records. Cette fois -ci, ce sont les lisboètes de Groovie Records et leur sous-division Comets Coming qui apportent leur pierre à l’édifice en sortant des oubliettes l’album Saudade du mystérieux Marcos. Spécialiste du disque rare et des pépites afros et latines, le label réédite pour la première fois cet album aussi généreux qu’introuvable. Auto-produit en enregistré dans un studio portugais en 1984 avec des musiciens mythiques comme Paulino Vieira ou Chibanga, Saudade est un disque de pur funaná qui va droit au but, sans synthétiseur, uniquement claviers, guitares, basse et batterie. Sur des arrangements funky, jazzy, et aux influences parfois reggae, Marcos nous balade de sa voix rassurante tout au long de ses six morceaux à découvrir d’urgence.
Disponible ici.
Hamid El Shaeri
The SLAM! Years (1983 – 1988)
Habibi Funk — 25/02/2022
Impossible de passer à côté de cette seule réédition Habibi Funk du semestre. Le label a remonté le temps jusqu’ au début des années 80 pour aller fouiller dans les premiers albums de l’artiste, avant qu’il n’atteigne le statut de superstar dont il jouit aujourd’hui. Selon la team Habibi, le joyau synthétique « Ayonha » est instantanément entré dans la liste des morceaux emblématiques du label dès la première écoute, et s’est retrouvé compilé sur leur premier recueil de musique arabe sorti en 2017. Cinq ans plus tard, le label va au bout de l’idée en rencontrant l’artiste au Caire, un homme humble qui adhère immédiatement à l’idée de rééditer une partie de ses premiers travaux, à l’époque sous-estimés. A cette période, Hamid Al Shaeri venait de quitter la Lybie pour continuer sa carrière en Egypte, avec un crochet par Londres où il enregistra son premier album. Habibi funk a donc extrait le groove et l’essence de l’Hamid El Shaeri des années 1983-1988, période pendant laquelle le prince des synthétiseurs enregistra cinq albums pour le label SLAM ! Cette sortie est d’ailleurs dédiée au fondateur du label Hany Sabet, ainsi que sa femme Rosemary Jane Sabet (qui a fourni les photos pour la pochette et le booklet), tous deux décédés durant le travail de réédition.
Disponible ici.
Viviano Torres Ane Swing
El Rey del Caribe
Palenque Records — 07/03/2022
Né à San Basilio de Palenque en Colombie, Viviano Torres est considéré comme l’un des pionniers de la champeta, style hybride caractéristique de la côte caribéenne colombienne et taillé pour la puissance des sound systems. Dans un pays dominé par la salsa ou le vallenato, Viviano est un musicien qui a toujours défendu le genre, débutant au sein du groupe emblématique Son Palenque dirigé par Justo Valdés. Alors que le style champeta se consolidait à Carthagène, l’artiste se différenciait en créant son groupe Ane Swing, imbibant sa musique d’une large palette d’influences comme le soukous congolais, le mbaqanga sud-africain, le makossa du Cameroun, le highlife ghanéen ou même l’afrobeat ou le reggae. Expert en la matière, Lucas Silva du label Palenque records compile ici les meilleurs tubes de Viviano Torres et Ane Swing sortis dans les années 80 et 90, racontant alors une partie de l’histoire et de l’évolution de la champeta à travers le son d’une de ses icônes.
Disponible ici.
Orchestre les volcans du Bénin
Vol. 1
Acid Jazz/Albarika Stores — 23/03/2022
L’éclectique label britannique Acid Jazz Records réédite un must-have du catalogue Albarika Store, label béninois né à la fin des années 60 et spécialisé en sons afro-latins, afro-funk et afro-psychés – tous très en vogue à l’époque. Si l’Orchestre Poly-rythmo de Cotonou occupe une bonne partie de la discographie originale, Albarika comptait néanmoins son lot de perles cachées, à l’image de ce premier album de l’Orchestre Les Volcans du Bénin sorti en 1980. Avec ses quatre titres aux mélodies contagieuses étalées sur 36 minutes, le disque est presque devenu sacré pour les amateurs de musique afro-cubaine. L’occasion de posséder un incontournable de la musique afro-latine de l’époque sans débourser les quelques centaines d’euros que demande la version originale sur les sites de seconde main !
Disponible ici.
África Negra
Antologia Vol. 1
Les Disques Bongo Joe — 01/04/2022
Accompagnés par leur curateur expert DJ Tom B, Les Disques Bongo Joe continuent leur travail de recherche autour des sons São Tomé & Principe, minuscule pays insulaire d’Afrique à la richesse musicale inversement proportionnelle à sa taille. Après Pedro Lima et la compilation LÉVE LÉVE centrée sur les 70 et 80, le label suisse propose une première anthologie du supergroupe emblématique África Negra, 12 titres piochés parmi des sorties disséminées entre 1981 et 1990 en cassette, vinyle ou cd sur plusieurs labels. Formé en 1970 par le boucher de formation Horacio et son ami guitariste Emidio Pontes, África Negra (Afrique Noire) deviendra l’un des symboles absolus de la révolution des œillets qui conduira l’archipel à l’indépendance le 12 juillet 1975. Sous la pression du pouvoir colonial portugais, África Negra est même contraint de changer de nom, mais sa musique, mélange unique de rythmes puxa et rumba, ne rompt pas. L’euphorie de « Vence Vitória », le mélancolique « Saozinha » ou la joie communicative de « Ple Can », autant de chansons synonymes d’espoir qui furent enregistrées, faute de place en studio, dans la cour de la radio nationale, face à la mer et devant leurs fans. A noter qu’une compilation contenant uniquement des travaux inédits récupérés auprès de leur tour manager constituera le second volume de cette anthologie de luxe !
Disponible ici.
Steve Monite
Only you
Soundway Records — 22/04/2022
Steve Monite (prononcé mo-na-tè) est un artiste nigérian né en 1961 à Benin City, la capitale de l’État d’Edo dans le sud du Nigéria. C’est dans un contexte de grands bouleversements politiques et de forte croissance économique au Nigéria que le musicien signe un contrat avec EMI records où il travaille en étroite collaboration avec le producteur Nkono Teles. Après des années de dictature militaire, le retour du pays à la démocratie a engendré un boom de jeunes artistes ultra-productifs s’inspirant du funk et du disco. Initialement sorti en 1984, l’album contient le hit « Only You », récemment repris par Frank Ocean, puis Theophilus London & Tame Impala, une chanson déjà présente sur la compilation Doing it in Lagos sortie aussi chez Soundway en 2016. L’EP contient aussi le tubesque « Things Fall Apart », pépite de disco synthétique caractéristique de l’époque.
Disponible ici.
Los Kenya
Siempre Afro Latino
Música Infinita/Olindo records — 27/05/2022
En janvier dernier, le label Olindo records inaugurait la sous-division Música Infinita avec un album du jazzman vénézuélien Gerry Weil. Le label britannique -à qui l’on doit les dernières sorties d’Isaac Sasson, Waaju ou Raúl Monsalve y los Forajidos- se lance dans un travail de réédition et propose déjà une seconde perle afro latine en annonçant une édition limitée de Siempre Afro-Latino, album de Ray Perez et Los Kenya sorti à l’origine en 1968 sur Velvet. Pianiste et chef d’orchestre, Ray Perez a sorti de nombreux albums à la fin des années 60, période fertile pour le genre salsa, avec des groupes emblématiques tels que Los Calvos ou Los Dementes. Après un passage par New-York, il est retourné au Venezuela et a formé Los Kenya avec deux trompettistes et un batteur, une formation minimaliste dans une époque où les big bands étaient rois. En ajoutant une paire de vocalistes à l’équipe, Ray Perez enregistra le son brut, groovy et jovial qui caractérise cette réédition !
Disponible ici.
Lucho Bermudez y su Orquesta
The Coastal Invasion
Radio Martiko — 27/05/2022
Figure emblématique de la cumbia, Lucho Bermudez est l’homme qui a à la fois modernisé le genre et développé la culture de la côte caribéenne en Colombie et dans l’Amérique latine toute entière. Sous-estimée et marginalisée au début du XXe siècle, la cumbia est devenue excitante grâce à des musiciens comme Bermudez, qui y injecta le son moderne des big bands jazzy. Accompagné d’un orchestre afro-amérindien de 11 musiciens, Lucho Bermudez a d’abord pris d’assaut les clubs de Bogotá et Medellín, où cette musique « tropicale » côtière était alors peu répandue, leur population préférant écouter des musiques d’Europe ou des Andes. Ces rythmes cumbia, porro, gaita et mapalé provenant de l’héritage musical afro-colombien, souvent considérés par la bonne société comme bruyants et vulgaires sont littéralement devenus viraux, au point de représenter le son d’une nation, joyeux et populaire. Sur cette pochette en référence à une couverture de 1949 du Semana weekly -l’équivalent colombien du Times- on voit le portrait coloré de Lucho en train de jouer de la clarinette, entouré de danseurs et de palmiers qui se tortillent. Pour beaucoup de colombiens, ce visage et celui de sa femme Matilde Diaz resteront synonymes à jamais de l’âge d’or de la cumbia, et cette compilation lui rend hommage avec 22 titres sélectionnés sur la période 1946-1961.
Disponible ici.
Borga Revolution! Ghanaian Dance Music in the Digital Age Vol. 1
Kalita Records — 17/06/2022
Mélange de jazz, de calypso et de rythmes traditionnels, le highlife n’a cessé d’évoluer depuis sa naissance au tournant des années 1920, s’inspirant au fil des époques du swing, du funk, de la soul et du disco. A la fin des années 70, les coups d’État successifs, les années de dictatures militaires, la crise économique et le taux de pauvreté croissant poussent beaucoup de Ghanéens -dont de nombreux musiciens- à partir chercher une vie meilleure en Europe et aux États-Unis. Influencés par la musique occidentale et les machines, ces artistes immigrés développent alors le burger-highlife et envahissent les ondes ghanéennes durant plus de deux décennies. Kalita consacre une compilation à ce phénomène en sélectionnant des artistes emblématiques du genre comme Thomas Frempong et George Darko, mais également des groupes oubliés comme Aban et Uncle Joe’s Afri-Beat, tous protagonistes de ce passage historique à l’ère numérique. On y découvre alors l’optimisme dégagé par des artistes qui ont pourtant bravé les obstacles dans leur pays et à l’étranger. Une édition de luxe aux vertus documentaires qui contient également un livret de 16 pages avec des interviews, biographies et photos d’archives.
Disponible ici.
Saturno 2000
La Rebajada de Los Sonideros
Analog Africa — 15/04/2022
Le label Analog Africa aime raconter des histoires. Pour cette sortie, le style protagoniste s’appelle la rebajada, musique festive ralentie diffusée par les sound systems ambulants du Mexique. Patron du label et digger chevronné, Samy Ben Redjeb découvre en 2010 ce style méconnu en écoutant une mixtape de DJ Lengua, qui proposait une sélection de morceaux latino-américains ralentis et psychédéliques. La rebajada a été inventée par les sonideros, des DJs qui trimballent des sound systems DIY dans les rues mexicaines et organisent des fêtes en jouant principalement de la cumbia, de la salsa, ou de la guaracha. A mexico, certains d’entre eux ont eu l’idée de ralentir les rythmes colombiens traditionnels pour les adapter aux pas de danse mexicains, pendant qu’au nord à Monterrey, une autre version naissait par accident. Selon la légende, le matériel du sonidero Gabriel Dueñez aurait court-circuité, se mettant à tourner au ralenti pour le reste de la soirée. Devant des danseurs conquis, le DJ développa l’idée et enregistra une série de cassettes piratées de cumbia et porro colombiens ralentis, intitulées « Rebajada ». Sélectionnés par DJ Lengua, ces 15 morceaux pour la plupart jamais sortis racontent l’histoire d’un style emblématique d’une génération de jeunes mexicains au look branché, qui venaient chercher dans la danse une échappatoire à leurs dures conditions de vie.
Disponible ici.
À découvrir aussi :
- Indo Arabic Variations Feature de Baligh Hamdi & Magid Khan
- Saturday Fever de Jivaro
- Os Tatuís (1965) / José Roberto Trio (1966) de José Roberto Bertrami
- A Chant About the Beauty of the Moon at Night: Hawaiian Steel Guitar Masters 1913-1921
- Sikiza Matshikiza de Pat Matshikiza
- Orchestre Massako (Limited Dance Edition Nr. 14)